Mes écrits
Jacques LAUNAY
L'apparition
Pour la première fois, il se promène dans ce jardin public sous un soleil chaud éclairant cette matinée de printemps. La renaissance de la nature est accompagnée des pépiements joyeux des oiseaux. Il peut observer leurs plaisirs communicatifs par leurs virevoltes incessantes dans le bleu du ciel. Les camaïeux de vert et les fleurs naissantes encadrent les allées et les mobiliers du lieu.
Son pas est léger, comme celui des écureuils à la recherche de leurs cachettes de glands. Il profite de l'immensité du parc à l'anglaise aux allées sinueuses, offrant des surprises paysagères à différents détours.
Actuellement, son cœur est à prendre, prêt à s'enraciner dans celui d'une autre, prêt à accueillir une âme sœur pour une fusion qu’il espère tendre et complice. Il jouit de ce moment propice à la réflexion, à la découverte d’un nouvel espace plaisant où la flânerie arrête l’écoulement du temps. Tous les tracas quotidiens s’effacent au profit de ce plaisir, comme si rien d’autre ne le touchait que ces vues et ces senteurs matinales.
Soudain, elle apparaît. Il la voit pour la première fois. Son pas se fige. Est-ce possible qu'une pareille beauté soit devant lui, à une dizaine de pas ? Est-ce un rêve ? Doit-il se pincer pour s’assurer de la réalité ? Ou est-ce le fruit de son imagination, de son espoir de tendre beauté ? Incapable de mouvements, toute son énergie est captée par cette magnifique personne. Leur regard, croisé depuis l'apparition, est indétachable.
Simplement habillée d'une veste courte sur une longue jupe et chaussée d'escarpins, elle est l’impossible devenu réalité. Ses cheveux aériens échoués sur ses épaules ajoutent à sa grâce.
N'y tenant plus, il se précipite sur elle pour immédiatement l'étreindre. Il se love, cherchant toutes les surfaces de contact possible. Il fait tout pour qu’elle ne puisse s’échapper. Il appuie sa joue droite contre la sienne. Il veut lui donner des preuves d’attachement. Sa main gauche entoure la taille de sa découverte, sa droite presse sur le haut, puis remonte aux épaules pour enlacer le cou. Néanmoins, sa dulcinée demeure impassible. Puis les lèvres de notre promeneur se pose sur celle de sa conquête.
Le temps est suspendu. Ils sont là, offerts aux promeneurs qui les regardent, médusés par ce spectacle si inhabituel dans ces lieux, lui qui, le visage rayonnant, enlace sa beauté, lové contre son corps, qui la caresse, et elle, immobile... jusqu'à ce que des policiers le détachent de la statue.