top of page

Le mystère des deux frères

 

   Deux frères vivaient dans la même maison. Ces dernières années, jamais nous ne les avions aperçus ensemble à l’extérieur de leur habitation. Ils possédaient un petit potager où ils y jardinaient régulièrement en solo. Toujours l’un ou l’autre.

   L’un était brun au visage marqué par une barbe brune régulièrement rasée, l’autre blond à la face blanchâtre. Le premier avait une corpulence légèrement plus forte que le second. Etaient-ils réellement deux frères ? Presque assurément, tel en attestait l’état civil. Bien sûr, il aurait pu s’agir de deux personnes de familles différentes ayant souhaité vivre ensemble. Néanmoins, depuis leur présence dans le village, la certitude de la fratrie était quasiment assurée. Nous savions que leur existence financière ne tenait qu’à quelques fils ténus, surfant sur la rente que leur avaient laissé leurs parents. Cela se remarquait entre autres à l’état de leurs habits, toujours les mêmes, de plus en plus râpés. On supposait que le temps avait mis à mal leur garde-robe et qu’il leur était impossible de la regarnir.

    Les habitants du village se perdaient en conjectures sur ces inséparables. L’homosexualité en faisait partie bien sûr. Dans un autre registre, il était imaginé que le maintien dans leur faible existence sans tomber dans la précarité, la misère ou le besoin intense, était assuré par des activités illicites, correctement dosées pour éviter d’éveiller des soupçons qu’une soudaine meilleure vie aurait engendré. D’ailleurs, c’est peut-être pour cette raison que l’un des deux restait toujours dans la maison pour surveiller l’objet de leur éventuel forfait.

   L’absence d’explication engendre toujours des soupçons… A tel point que le maire décida de réaliser une enquête. Il s’adressa à la gendarmerie qui put obtenir l’autorisation d’effectuer une perquisition.

    La maréchaussée visita de fond en comble la petite habitation des deux frères. Les murs, le sol, les plafonds, les fonds de placard furent sondés. Rien ne put être trouvé, ni démontrer une quelconque activité illégale dans ces lieux. La tenue légère de des deux frères lors de l’invasion gendarmesque fit dire que leurs activités étaient plutôt une grande amitié probablement « corporelle » entre les deux frères. Cela n’était pas répréhensible.

   Si les lieux de la maison étaient exempts de tout indice faisant supposer un quelconque délit, les gendarmes décidèrent d’effectuer une surveillance nocturne, sur l’hypothèse que l’objet de leur irrégularité serait placé dans un autre lieu.

   En vain.

   Dans le village, le mystère des deux frères restait entier. Les suppositions couraient toujours d’un bon train au fur et à mesure de la créativité des habitants se sentant concernés par cette énigme.

   Celle-ci fut résolue lorsque l’un des deux frères décéda et que le survivant refusa de continuer d’habiter dans les lieux.

   Quand il partit vers une maison d’accueil, il n’avait en main qu’un mince sachet ne contenant que quelques sous-vêtements, ce que confirmèrent ses hôtes.

   Lorsque la maison fut vidée par la commune, on ne constata la présence d’aucun vêtement.

   Alors, tout le monde comprit que ces deux frères n’avaient plus qu’un seul habit pour eux deux, et qu’ils ne pouvaient donc plus s’exposer ensemble dans le village. Les habitants réalisèrent aussi qu’ils s’étaient eux-mêmes aveuglés par leurs fantasmes sans remarquer que les deux frères portaient le même habit.​

© 2023 par ecrits. Créé avec Wix.com

bottom of page