Mes écrits
Jacques LAUNAY
Les fenêtres d'en face
Décembre 2038
Zoé adorait observer ce qui se déroulait dans un des appartements d’en face. Et pour cause, elle y apercevait régulièrement Riad, son copain préféré d’école primaire, son amoureux comme disent les enfants de cet âge.
Dans la cour de récréation et dans la classe, elle n’avait d’yeux que pour lui. Et il lui rendait bien. Ils étaient voisins de classe comme voisins d’immeuble. Ils s’aidaient pour les devoirs. C’était un bonheur de les voir ensemble comme deux petits amoureux précoces. Les parents étaient heureux de leur association, et surtout du partage de leurs plaisirs avec les autres de leur âge, à l’école comme dans la cour de l’immeuble. Contrairement à d’autres, les différences confessionnelles ne préoccupaient absolument pas ces parents puisque cette amitié contribuait à de bons résultats scolaires pour les deux.
Alors, Riad, de temps en temps, se présentait bien visible devant sa fenêtre, l’hiver, ou sur le balcon aux beaux jours. La lumière seule à travers les fenêtres de l’appartement d’en face, celui de Riad, était un déjà un plaisir pour Zoé. Cela signifiait que son ami y était présent. Elle n’allait pas dormir sans un jeter dernier regard vers la source de son bonheur d’enfant.
Un matin, Riad ne se présenta pas en classe. Zoé était évidemment déçue et en pleura. Aucun enseignant ne voulut la renseigner sur la raison de son absence. Elle aurait souhaité être rassurée pour Riad. Était-il malade ? La réclamait-il ? Avait-il besoin qu’on lui apporte les devoirs pour le lendemain ?
A la sortie de fin d’après-midi, elle était toujours inquiète et demandait à vite rentrer chez elle pour observer les fenêtres d’en face. A la tombée de la nuit, les lumières de l’appartement de Riad ne s’allumaient pas. « Ils attendent qu’il fasse plus noir pour les allumer » se disait-elle pour se rassurer. Zoé n’arrivait pas à se concentrer sur ses devoirs et gardait un œil sur son objectif du moment. Mais en vain : les lumières restaient éteintes.
Pour rassurer Zoé, sa Maman décida de s’informer auprès des voisins de Riad. Au retour, elle ne put dire que la vérité :
- Tu sais, ma chérie, toute la famille a été arrêtée par la police. On est inquiets pour eux.
- Ce n’est pas juste !
- Je suis d’accord, Zoé. C’est comme tes arrières grands-parents, parce qu’ils étaient juifs…