Mes écrits
Jacques LAUNAY
POLARS
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Amour raté Janvier 2025 - 3 minutes
Le braquage de la bijouterie Novembre 2024 - 5 minutes
Amour raté
Emile et Lucie, jeune couple marié depuis deux ans, sans enfant, habite dans un appartement situé dans la capitale de leur région natale. Emile est comptable dans une société en bonne santé ; Lucie est vendeuse dans une librairie ; tous deux heureux de leurs activités professionnelles respectives et de leur début de couple. Dans l’entreprise qui l’emploie, Emile fait la connaissance d’un nouveau collègue, Lucas qui devient rapidement un complice professionnel, puis un ami. Récent dans la ville, Lucas, célibataire se fait inviter par Emile qui lui propose de partager certains moments pour lui faire découvrir la ville et la région. Avec Lucie, ils prennent des repas en commun chez le couple, chez Lucas, au restaurant, ou encore dans la nature.
Assez vite, Lucie et Lucas éprouvent des sentiments qui ne les laissent pas indifférents, sans se l’avouer l’un à l’autre. Ils apprécient ces repas communs avec Emile qui leur permettent de se retrouver. Tacitement, ils prennent les précautions oratoires et comportementales pour ne pas éveiller de soupçons auprès d’Emile. Les embrassades d’arrivée et de départ sont de plus en plus tactiles. L’un et l’autre sont malgré tout gênés par cette situation imprévue. Pour Lucie, son mariage avec Emile pourrait battre de l’aile. Il lui faudrait faire un choix. Pour Lucas, une opportunité est à sa portée, mais son amitié profonde avec Emile est un obstacle qui se transformerait en trahison s’il passait à l’acte.
Mais cette attirance mutuelle est trop forte pour qu’elle en reste à de simples échanges à trois. Profitant de rares moments d’absence d’Emile parti ailleurs dans l’appartement, des mots très suggestifs de Lucas font jaillir chez Lucie des envies visibles de complicité plus intime. Lucas enregistre ces nouvelles données.
La confiture si tentante est dans le placard et l’envie d’en ouvrir la porte est de plus en plus irrésistible. Les mains s’approchent de la poignée…
Des subterfuges sont mis en place pour se retrouver quelques instants dans la ville. Lucie invente les prétextes plausibles. Progressivement, elle se prend au jeu. Elle goûte avidement ces instants de bonheur où la séparation est une déchirure de plus en plus forte. Les mains, les bras sont des lieux d’exploration du corps de l’autre.
Maintenant, le pot de confiture est dans les mains. Il devient impossible de ne pas y plonger le doigt pour la savourer…
Lucas propose alors à Lucie de le rejoindre chez lui, loin des regards des tiers. Cela devient une évidence pour répondre à l’envie mutuelle de mieux apprécier le corps de l’autre. L’ardeur à savourer l’intimité de chacun croit sans cesse.
La confiture est dans la bouche. La langue si sensible la goûte avec délice. La gorge jouit de son passage…
Lucie n’avait pas connu ces extases avec Emile. La comparaison lui est défavorable. Le temps passant, les soirées et les week-ends avec Emile lui semblent fades. Un conflit interne veut la faire basculer vers une autre vie que Lucas souhaite ardemment. L’addiction de Lucie pour Lucas devient incontrôlable. Elle craint qu’Emile constate une situation en sa défaveur.
Le pot de confiture est presque vide…
Mais comment procéder ? Lucas propose le divorce. Lucie ne supportera pas la procédure, les regard d’Emile, ceux de sa belle-famille qui habite dans la ville et de ses collègues.
L’attitude suppliante de Lucie conduit Lucas à lui proposer une solution expéditive : lors d’une de leurs pérégrinations habituelles dans la montagne escarpée proche de leur ville, il est possible qu’Emile, dans son intrépidité coutumière, glisse et sombre dans un des précipices, quitte à l’y aider…
C’est ainsi qu’un dimanche, les secours ne purent ranimer Emile qui avait percuté une paroi en contrebas de leur chemin de randonnée.
Les parents d’Emile pestèrent contre son intrépidité légendaire et contribuaient à consoler Lucie, prostrée par l’action meurtrière qu’elle avait acceptée. L’enquête de gendarmerie conclut à un accident. Lucie et Lucas étaient juridiquement innocent, mais le poids de leur acte leur pesait malgré tout.
Le pot de confiture était vide. Les consommateurs regrettaient la fougue de leur gourmandise…
Pour éviter tout soupçon par la famille, par les proches et par le voisinage, Lucie et Lucas décidèrent de se maintenir chacun dans leur habitation. Bien sûr, ils se rencontraient plus librement et imaginaient d’officialiser leur amour plus tard. Malgré son immense envie de vivre avec Lucas, Lucie considérait que le deuil visible devait durer environ six mois.
Impossible de se fournir d’un nouveau pot de confiture immédiatement...
Le poids du meurtre était toujours présent. A qui se confier sauf à Lucas qui attendait impatiemment la décision de Lucie de le rejoindre définitivement, faisant fi de sa fausse maladresse qui précipita Emile dans le ravin. Lucie le lui expliquait, mais Lucas a la fois manifestait son impatience et s’appuyait sur les conclusions d’un accident, se dédouanant ainsi de leurs intentions initiales. À tout moment, Lucie craignait qu’un observateur de leur forfait, jusqu’alors muet, se décide à dévoiler la réalité des faits.
La vision du pot de confiture vide rappelle la gourmandise avide qui lui a jeté un sort…
Maintenant, Lucie reproche à Lucas l’idée de l’élimination d’Emile, élimination qui, à l’époque, lui laissait entrevoir des jours heureux avec son amant. Le poids du souvenir de ce geste de quelques secondes lui pesait tellement qu’elle en regrettait l’exécution. Son regard sur Lucas devenait irrémédiablement celui d’un meurtrier, et elle se savait sa complice.
Les nuits étaient habillées de cauchemars hideux. Lorsque Lucie déambulait dans les rues, les affiches des kiosques lui semblaient relater leur crime. Les regards des passants lui paraissaient accusateurs. Tôt ou tard, la vérité surgirait, pensait-elle. Dans la librairie, elle craignait le contact des clients qui, spéculait-elle, allaient évoquer son histoire sordide.
Jour après jour, Lucie espaçait ses contacts avec Lucas, passant une, puis deux semaines sans le rencontrer. L’amour avait cédé la place à la honte de le côtoyer, puis à l’horreur de son image. Elle craignait même qu’il la dénonce par vengeance de l’éloignement qu’elle lui faisait subir.
Un jour, deux policiers se présentent à son domicile pour une enquête de voisinage. A leur vue, Lucie s’évanouit. Les deux agents la relèvent et la transportent sur un canapé. A son réveil :
- Vous êtes ici parce que Lucas a avoué ?
La confiture était empoisonnée…
Le braquage de la bijouterie
La voiture s'immobilise brutalement, sirène hurlante. Le commissaire s’en extrait puis entre dans la bijouterie.
- Commissaire Dupois. Qui est le responsable ?
- C’est moi, Antoine Lambour. Je suis le propriétaire de la bijouterie.
- Alors, racontez-moi ce qui s’est passé.
- Un homme est entré calmement dans notre magasin et il nous a immédiatement menacé avec son pistolet et il nous a demandé de lever les mains en l’air. Puis il a désigné Amélie pour remplir un sac de tout ce qui était directement disponible. Environ trente secondes plus tard, il est sorti précipitamment puis il est monté sur l’arrière d’une moto qui s'était subitement garée devant la porte.
- Pas de blessé de votre côté ?
- Non. Cela semblait inutile de lui résister.
- Il était masqué, bien évidemment !
- Eh bien non !
- Hein ? Pas masqué ? Il est fou ! Vous avez une surveillance vidéo ?
- Oui bien sûr.
- Je veux la voir immédiatement.
- Suivez-moi.
Le commissaire et le propriétaire se dirigent vers un bureau à l'arrière pendant que les inspecteurs questionnent les employés et que la police scientifique procède aux relevés d'empreintes.
Le propriétaire effectue les manipulations pour démarrer la vidéo à l’heure du braquage. Ils visionnent les images : le cambrioleur a réellement opéré à visage découvert. Le commissaire demande à revoir la séquence.
- Bon sang, je l'ai reconnu ! C'est incroyable que ce soit lui ! Jules, viens ici s'il te plaît.
- J'arrive chef.
Un inspecteur le rejoint dans le bureau.
- Vous pouvez encore repasser la séquence ?
Le bijoutier redémarre la vidéo.
- Pas possible ! Le prof de maths de ma fille !
- Toi aussi tu l'as reconnu !
- Il est fou, à visage découvert, en plus dans sa propre ville. Il est totalement inconscient ! Et pourtant, cela ne lui ressemble pas du tout !
- On est bien d'accord. Il cachait bien son jeu ! Comment s’appelle-t-il ?
- Vance…. Enzo Vance.
- Il ne reste plus qu'à aller le cueillir. Je passe un coup de fil au lycée. Mr Lambour, dans peu de temps, vous devriez retrouver vos biens.
- Ce serait génial. J’attends de vos nouvelles. Un prof de maths, c’est fou !!!
Le commissaire retourne dans sa voiture et appelle le lycée tout en s’y rendant :
- Lycée Auguste Comte, bonjour.
- Commissaire Dupois. Je voudrais parler à votre proviseur.
- Il est absent, puis-je vous passer quelqu’un d’autre ?
- Oui, la personne qui s’occupe de la répartition des professeurs.
- Je vous passe la CPE.
- Merci.
Après quelques secondes :
- Angèle Foulin. On m’a dit que vous souhaitiez me parler, Mr le commissaire ?
- Exact. Enzo Vance est-il dans vos murs actuellement ?
- Oui bien sûr. Il assure ses cours de maths toute cette matinée. Vous souhaitez le voir ?
- Effectivement… Il était dans vos murs toute la matinée ?
- Oui bien sûr. Vous m’inquiétez. Que se passe-t-il ?
- Une simple formalité. Quelqu’un croyait l’avoir reconnu ce matin en dehors du lycée. Aurait-il pu avoir l’occasion de s’échapper un quart d’heure ce matin ?
- Je ne vois pas comment. Mais si vous le souhaitez, je peux questionner discrètement quelques élèves.
- Pourquoi pas. Quand pourrais-je le voir ?
- A midi, à la fin des cours. Dans trente minutes environ.
- Merci Madame.
Poursuivant son trajet vers le lycée, le commissaire se fait envoyer la vidéo sur son portable et informe ses collaborateurs de son échange avec la CPE. Il verra dans quelques minutes s’il s’agit du même visage ou d’une ressemblance éloignée.
Ce qui le chagrine, c’est la folie d’un vol armé à visage découvert. N’importe quel truand sait maintenant que les bijouteries sont équipées de caméras de surveillance avec enregistrement. C’est une exigence des assurances.
Midi approche. Le commissaire se présente à l’accueil du lycée. On le conduit dans la salle des professeurs et arrive presque en même temps qu’Enzo Vance qu’il a immédiatement reconnu, trop bien reconnu tant est frappante la similitude avec la vidéo qu’il vient de revisionner.
- Bonjour Monsieur Vance. Commissaire Dupois. Je peux vous parler dans un lieu confidentiel ?
- Bien sûr. Que se passe-t-il ?
- Des choses étranges dans lesquelles vous semblez impliqué.
- Mon dieu, qu’ai-je bien pu faire ?
- Je vous propose de regarder cette vidéo.
Le commissaire démarre la vidéo sur son portable.
- Mais c’est moi !
- Je ne vous le fais pas dire. Vous comprenez maintenant ma présence.
- Quand cela s’est-il passé ?
- Ce matin dans la bijouterie Lambour, dans la Grand’rue.
- Ouf, j’étais en cours toute la matinée.
- Vous en êtes sûr ? Ou vous avez un jumeau ?
- Aucun jumeau. Par contre j’ai apparemment un sosie !
- Le sosie aurait fait le cours de maths ou braqué la bijouterie ?
- Je vous assure que je suis le vrai prof de maths, agrégé. Je pense que les élèves pourront vous certifier que mon attitude d’aujourd’hui est conforme aux cours pratiqués jusqu’à hier.
- Je veux bien vous croire. A quel moment pouvez-vous passer au commissariat pour votre déposition ?
- Cet après-midi après 16 heures.
- Nous vous y attendons. A partir de ce moment, je vous demande de rester à notre disposition et de ne pas quitter le département.
- Soyez sans crainte.
Le commissaire se dirige vers la sortie :
- Mr le commissaire ! Angèle Foulin. Je suis la CPE. Vous m’avez appelée tout à l’heure. J’ai des informations à vous donner.
- Je vous écoute.
- J’ai interrogé quelques élèves en prétextant que je ressentais un souci chez Enzo Vance. Tous m’ont répondu qu’ils n’avaient rien remarqué, qu’il était comme d’habitude. Et il ne s’est pas éloigné de ses cours.
- Merci Madame…
- Foulin, Angèle Foulin.
- Merci Madame Foulin.
Le commissaire sort, la faim au ventre. Il rejoint son bureau après un arrêt à la boulangerie pour un sandwich et une boisson. Sur place, il fait faire des recherches d’identité sur la base du visage recueilli sur la vidéo. Mais en vain. De plus, l’état civil ne mentionne aucun jumeau du professeur. A ce moment, la piste semble tourner autour de ce prof de maths, ou d’un sosie.
- Soit ce n’est pas lui, soit il est très fort, se dit le commissaire.
Dans l’après-midi, le commissariat est informé que la bijouterie a été l’objet d’une attaque informatique dans la minute qui suivait le braquage.
Le commissaire dépêche immédiatement sur place son expert informatique pour déterminer, si possible, s’il s’agit d’une coïncidence ou d’une corrélation.
Mais pourquoi un cambrioleur aurait intérêt à s’immiscer dans l’informatique de sa victime ? Pour effacer quoi, à part la vidéo ? Peut-être a-t-il échoué à supprimer cette vidéo ?
Pour le commissaire, ce braquage est décidément bizarre : le truand opère à visage découvert, ressemblant au prof de maths, et la victime subit un piratage informatique dans la minute suivante.
L’expert informatique informe le commissaire qu’il y a eu effectivement une forte activité d’échange au niveau du serveur de la bijouterie dans la minute suivant le braquage alors que tous étaient resté dans la boutique, tétanisés par ce qui venait de se passer. Le propriétaire signale aussi qu’il y a eu, environ quinze jours auparavant, un bug inhabituel. Le fournisseur informatique avait rétabli la situation après avoir effectué un scan complet sans détecter un quelconque virus.
La question reste entière.
Le commissaire réunit son équipe pour effectuer un brainstorming afin d’imaginer des hypothèses plausibles. L’échange est fourni :
- Il paraît que tout le monde a au moins un sosie quelque part dans le monde. Et pourquoi pas pour ce prof de maths ?
- Vous ne trouvez pas que le truand a joué petit ? D’après le propriétaire, il n’a fait mettre dans son sac que ce qui était à sa portée alors que les belles pièces sont généralement dans le coffre-fort.
- Effectivement. Ce ne sont pas des méthodes de truands classiques. Il s’agirait bien d’un amateur. On revient au prof de maths, ou à son sosie. C’est probablement pour cela qu’il n’est pas dans nos bases.
- Et si on faisait une reconstitution ?
- Une reconstitution ???
- Je propose qu’on place le prof de maths au même endroit dans la bijouterie et on compare les deux vidéos. On verra alors si le prof a la même corpulence que celui du braquage.
- Intéressant. Si la corpulence est différente, c’est son sosie, si elle est identique, c’est lui… ou son sosie.
- Pensez-vous que le braqueur ait utilisé un masque qui ressemble au prof de maths ?
- Revoyons la vidéo.
Après visionnage :
- On ne voit aucun pli, aucune séparation entre un masque et le visage. On a vraiment l’impression que c’est le vrai personnage.
- Quelque chose me tracasse : fabriquer un masque très ressemblant et difficilement perceptible demande des moyens coûteux. Ce ne serait pas l’œuvre d’un amateur. C’est incompatible avec la valeur du butin puisque le braqueur s’est contenté du tout-venant.
- Effectivement. Un pro aurait exigé davantage de produits de valeur. On doit rester sur la piste d’un amateur.
- On s’est tous concentrés sur le visage parce qu’on a pensé au masque. Je propose de revoir encore la vidéo en regardant entre la tête et le corps.
- Pourquoi donc ?
- Une intuition. Cela ne nous coûte qu’une minute !
- Accordé.
Après le nouveau visionnage :
- Avez-vous remarqué des césures entre le cou et le torse ?
- Quelque chose m’a fait penser à un masque très enveloppant qui descendrait jusqu’au bas du cou.
- Eh bien moi, j’ai pensé à ces émissions de télé où l’on met une tête sur le corps d’un autre, comme dans des imitations humoristiques.
- C’est du boulot d’imagerie informatique !
- Qu’en pense notre expert ?
- Effectivement, c’est une opération de plus en plus facile à réaliser avec des logiciels appropriés.
- D’accord, mais nous sommes arrivés sur les lieux quatre minutes après la sonnerie d’alerte déclenchée au début du braquage, et j’ai visionné la vidéo une minute après. Pendant ces cinq minutes, personne n’a pu s’introduire dans la bijouterie pour effectuer la manipulation.
- Chef, vous oubliez l’attaque informatique à la suite du braquage. Pour moi, ce n’est pas une coïncidence, mais une relation directe avec le braquage.
- Explique-toi.
- Je propose le scénario suivant : quinze jours avant, le bijoutier constate une perturbation informatique. J’imagine alors que les malfrats ont piraté le système informatique de la bijouterie pour y déposer à distance un logiciel de transformation d’image non détectable. Puis juste après le braquage, informé par un bip particulier, un troisième larron, depuis son PC, intervient sur celui de la bijouterie. Au vrai visage du braqueur, il substitue celui du prof de maths.
- Pourquoi le prof de maths ?
- Peut-être un contentieux à régler… Mais cela aurait pu être tout autre personne. Un commissaire par exemple…
- Très drôle… Mais dis-moi, en cinq minutes il aurait eu le temps de réaliser ce remplacement de visage ?
- Je pense qu’il y en a quatre de trop.
- Une seule minute ??? Mais comment ?
- Par l’intelligence artificielle, chef…