Mes écrits
Jacques LAUNAY
REFLEXIONS PERSONNELLES
SOMMAIRE
Pour accéder au texte, cliquer sur le titre
Procès divin (Février 2025 - 4 minutes)
A la recherche d'un plaisir (Janvier 2025 - 1 minute)
Déception babélienne (Juillet 2024 - 1 minute)
Que va-t-il se passer ? (Juin 2024 - 1 minute)
La beauté de la nudité (Juin 2024 - 1 minute)
Le choix des étoiles (Juin 2024 - 1 minute)
La persévérance du bambou (Fév 2024 - 1 minute)
Le fat piégé (Fév 2024 - 1 minute)
Promenade dans la campagne... électorale (Déc 2023 - 1 minute)
Tempête tempétueuse (Nov 2023 - 1 minute)
Pour Dominique Bernard (Oct 2023 - 1 minute)
Compte rendu d'une visite sur la planète Terre (Juil 2023 - 1 minute)
Suicide au paradis (Juin 2023 - 2 minutes)
Socrate et le sot crasse (Fev 2022 - 1 minute)
Révolte (Fev 2022 - 1 minute)
J'épanche donc je suis (Fev 2022 - 1 minute)
Libre expression chérie (Aout 2022 - 1 minute)
Réflexion ante mortem (Août 2022 - 2 minutes)
Prière à nos dieux (Sept 2022 - 1 minute)
1 = 2 (Janv 2021 - 3 minutes)
La pluie et le beau temps (Avril 2021 - 2 minutes)
Le lion se meurt (Avril 2021 - 1 minute)
Intolérable intolérance (Mars 2021 - 1 minute)
Carbone Oxygène Azote (Juil 2021 - 1 minute)
Végétarien (Mai 2021 - 2 minutes)
Les hommes et les enfants d'abord (Sept 2021 - 1 minute)
Révolte et espoir (Nov 2021 - 1 minute)
Le G3 (Nov 2021 - 1 minute)
Genèse 2 (Dec 2020 - 4 minutes)
Procès divin
La cour !
L'huissier vient d'annoncer l'arrivée des trois magistrats de la Cour d'Assises accompagnés des jurés déjà sélectionnés selon la procédure habituelle. Toute l'assistance se lève puis se rassoit à la demande du président.
- Accusé, levez-vous.
- Confirmez-vous que vous êtes Dieu, né il y a 14,3 milliards d'années, résident de l'univers ?
- C'est exact Mr le Président.
- Confirmez-vous aussi que vous êtes le créateur de l'univers selon ce qui est couramment dit.
- Je le revendique, Mr le président.
- Bien vous pouvez vous asseoir. Greffier, veuillez lire l'acte d'accusation.
- Dieu, premier esprit sur cette terre est accusé, au moins sur le territoire terrestre d'avoir mal créé l'homme, à savoir un être pétri de nombreux défauts, en particulier celui de générer des conflits envers ses congénères au point d'engendrer des guerres meurtrières et des actes terroristes, parfois au nom de lui-même, ainsi que de détruire progressivement l'équilibre de la nature, étant précisé que l'homme au sens général est la seule espèce vivante sur ce territoire terrestre à agir ainsi.
- Dieu, reconnaissez-vous les faits ?
- Oui, Mr le Président
- Admettez-vous que vous auriez pu procéder autrement ?
- Oui, Mr le Président
- Et pourquoi ne l’avez-vous pas fait ?
- C’était ma première création. Je n’avais aucune expérience. Si l’erreur est humaine – de cela j’en sais quelque chose puisque je l’ai créé – elle est peut-être aussi divine ?
- Vous sembleriez dire que vous n’êtes pas parfait ?
- C’est l’homme qui a dit que je suis un être parfait.
- L’homme que vous avez créé !
- J’avoue qu’il m’était difficile de tout contrôler.
- Pourtant, on dit que vous savez tout, vous entendez tout.
- Encore une fois, c’est l’homme qui a voulu me voir ainsi.
- Donc vous n’avez pas réussi votre création !
- Entendons-nous. Pour l’homme, je reconnais les défaillances issues de ma fabrication. Pour le reste, je revendique la qualité de ma production.
- Diriez-vous que l’horloge de la nature tourne bien ?
- Exact Mr le Président. Je pense que je suis un bon horloger qui a fait en sorte que tout, hormis l’homme, hélas, soit correctement équilibré. Les faits sont là. Pendant les plus de 4 millions d’année de la terre, celle-ci a toujours cherché à être un lieu d’accueil pour toutes les espèces vivantes, faune et flore, avec de temps en temps des glaciations, ou la disparition de dinosaures et de mammouths devenus trop encombrants, telles une remise à zéro qui s’imposait, à chaque fois sans intervention humaine.
- Vous voulez dire que l’arrivée de l’homme a créé des désordres ?
- Tout à fait. Au début, cela ne se voyait pas. Tant que la population humaine était faible et n’avait pas imaginé la forte industrialisation constatée depuis le 19e siècle, les ressources de la terre restaient quasi intactes. Mais leur utilisation a généré des dégâts, peu perceptibles au démarrage, puis devenus visiblement gênants dans le troisième tiers du 20e siècle.
- Ainsi, selon vous, l’homme a agi industriellement de façon néfaste sans le savoir, puis a continué malgré la connaissance des méfaits ?
- Je ne dirais pas autrement, Mr le Président.
- Et vous vous en sentez responsable ?
- J’en suis obligé puisque l’homme est l’objet de mes créations.
- Vous n’avez pas essayé de corriger vous-mêmes la pente dangereuse ?
- Si bien sûr ! Un fois par exemple avec le déluge. Mais personne n’avait compris.
- C’était cruel d’engloutir des êtres humains et des animaux ! Vous étiez vraiment l’artisan de ce désastre ?
- Il fallait le considérer comme un investissement qui permettait cette remise à zéro en ne sauvant qu’une famille irréprochable.
- Quand on voit le résultat, étiez-vous sûr de la qualité de cette famille ?
- Oui je l’étais. Je l’avais longuement surveillée. Mais cela n’a pas empêché que la dégradation humaine opère de nouveau.
- Les gênes étaient donc en place dès la genèse de la genèse, si je puis m’exprimer ainsi. Et cette phase était bien de votre ressort !
- Je l’avoue. J’ai bogué…
- Sur quel élément de votre conception pensez-vous avoir bogué ?
- Je crois que c’est au niveau du logiciel implanté dans le cerveau.
- Logiciel ?
- Je ne vous apprendrai pas, Mr le Président, que pour chaque être vivant, le cerveau est un immense réseau de neurones qui interagissent par des milliards de milliards de connexions. Parmi les résultats de ces connexions, il y a celles qui définissent la position de l’être vivant dans son environnement. Elles contribuent ainsi à l’équilibre par les ressentis de forces et de faiblesses de chacun au regard des autres et par le sentiment d’utilité pour l’équilibre global. Pour l’homme, je pense que j’ai trop exagéré les paramètres en termes de forces et minimisé ceux de ses faiblesses et de son utilité.
- Un raisonnement qui semble se tenir…
- Et prouvé par le résultat !
- C’est pour cela aussi que vous avez envoyé au casse-pipe votre fils engendré par un esprit dit « saint » dans le corps d’une vierge ?
- Effectivement, Mr le Président. J’avoue que j’y croyais dur comme fer. Je lui ai donné la capacité d’effectuer des miracles pour attirer l’attention sur lui. Grâce à cela, il pouvait donner des conférences, mais avec les moyens de transport de cette période, celles-ci n’étaient diffusées que dans la région restreinte de la Palestine de l’époque. Hélas, je m’y suis pris trop tard. Le mal était déjà bien implanté et mon fils spirituel s’est confronté à de nombreux opposants. Et puis il n’a pas eu le temps nécessaire pour suffisamment convaincre au point que Ponce Pilate a préféré plaire à ses détracteurs pour le crucifier.
- Certains ont quand même relayé sa parole. Jean, Mathieu, Luc et Marc. Pierre, celui qui vous avait renié, a quand même créé une maison mère à Rome d’où est parti un courant qui s’est bien répandu avec des succursales dans tous les villages, du moins en France, et avec le slogan astucieux « Aimez-vous les uns les autres ». N’était-ce pas une réussite ?
- Vous voulez m’être agréable, Mr le Président, et je vous en remercie. Mais avec quel résultat ? Tout cela s’est réalisé avec le même logiciel cervical de l’homme. Un exemple simple : les bâtisseurs de cathédrales ne pensaient qu’à avoir la plus haute, la plus longue, la plus large… C’était une attitude orgueilleuse ! Un autre exemple, objet de vos réquisitions : combien de guerres ont été menées en mon nom ? Pourquoi ces querelleurs ne toléraient pas d’autres systèmes de pensée, de religion ? Personnellement, je n’ai jamais été opposé à une quelconque autre religion qui prône la valeur humaine, la tolérance, le respect des autres ! Mais l’homme, lui en a décidé autrement. Franchement, Mr le Président, le maître a été dépassé par ses mauvais élèves.
- C’est vous qui nous aviez divisé pour mieux assurer votre règne, avec la destruction de la Tour de Babel et la séparation des hommes par l’institution de langues différentes.
- C’est exact, Mr le Président. Ils étaient tous unis pour la construction de la tour. Craignant qu’ils atteignent mon niveau, j’avais le moyen de briser leur union pour éviter qu’ils ne procèdent à une seconde tentative. Depuis, ils se combattent imbécilement. Je crois que c’est ma plus grosse erreur. Je désire très humblement m’en excuser.
- Mais dites-moi, Dieu, vous vous faites le procureur de vous-mêmes !
- Dans mes commandements, il y a l’interdiction de mentir…
- Je reconnais là votre souci d‘honnêteté.
- Un souci que l’homme n’a même plus pour lui-même !
- Qu’en est-il de l’avenir ?
- La question est douloureuse. Je n’ai aucune confiance dans le rétablissement d’une situation plus humaine.
- Qu’imaginez-vous ?
- Je ne contrôle plus rien. Je pense que la cupidité entrainera des retards dans les actions que certains souhaitent mener pour réduire la dégradation globale. Cela créera des déséquilibres immenses imposant des mouvements monstrueux de population, des appauvrissements de ressources vitales. Tout cela va générer des conflits de survie entrainant de furieuses guerres cruelles et destructrices.
- De tout cela, vous vous considérez toujours responsable ?
- Toujours autant, Mr le Président.
- En tant que procureur de vous-mêmes, quelles réquisitions proposez-vous ?
- La prison ne peut convenir à ma nature éthérée : il me serait très aisé de m’en échapper. Sans compte en banque, une pénalité financière n’est pas possible. Alors, pour ne plus tergiverser, je propose un déluge (sous une forme à définir) plus violent que le premier, anéantissant l’homme sans affecter les autres espèces. Puis, je propose de recréer une autre espèce humaine.
- Comment vous y prendriez-vous pour ce dernier point ?
- Il me semble que je commencerais par créer la femme reproductrice qui engendrerait et éduquerait elle-même le premier homme, puis, plus tard, quelques suivants qui seraient leurs enfants. La femme serait la cheffe de famille et gèrerait celle-ci selon l’esprit de sagesse féminine. Je n’oublierais pas non plus d’anéantir les serpents…
- Bien ! La séance est close. Verdict dans quelques millénaires…
A la recherche d'un plaisir
Issu d’un conte oriental
Dans une période de questionnement personnel, je recherchais des plaisirs simples. Sur les conseils d’un ami, je consultai un sage expérimenté dans ce domaine. Après lui avoir exposé ma situation il me proposa une expérimentation :
« Tu vas aller dans cette direction (il me la montra sur une carte). C’est certes très loin, au-delà de nos frontières, mais je suis certain que tu y trouveras un plaisir qui te satisfera. Vers la fin du parcours, tu traverseras trois villages où tu verras une petite échoppe dans chacun d’eux. Je te suggère de t’y arrêter. Puis, en poursuivant cet itinéraire, tu aboutiras dans une vallée verdoyante. Là tu découvriras le plaisir que je propose ».
Je suivis l’itinéraire que le sage m’avait recommandé. Effectivement, la durée du voyage fut longue. Les paysages étaient agréables et les contacts étaient distrayants. Au premier village, je cherchai la petite boutique qu’il m’avait signalé. Je constatai qu’elle vendait des rouleaux de fil de fer. De même au deuxième village, je m’aperçu que l’échoppe vendait des morceaux de bois. Quant au troisième village, c’était un bazar où on y trouvait de petites pièces métalliques.
Je trouvai tout cela bien étrange. Pourquoi m’avoir proposé de m’arrêter à ces boutiques ? N’était-ce pas une belle arnaque pour m’avoir fait acheter des billets de voyage ?
Au point où j’en étais, je poursuivis quand même l’itinéraire avec la perspective de contempler au moins une vallée verdoyante. Mais n’était-ce pas un attrape-nigaud ?
Arrivé dans cette vallée, je la constatai effectivement magnifique. Et surtout, il y régnait un fond sonore musical de tout beauté, en harmonie parfaite avec les lieux. Cela était vraiment un plaisir pour le regard et pour l’ouïe. Que demander de mieux ?
Je me rapprochai progressivement de la source musicale. L’agréable mélodie venait d’un instrument à corde. Et je compris le rôle des trois boutiques : l’instrument est fait de cordes, de morceaux de bois et de pièces métalliques, exactement ce qui était proposé dans les boutiques que j’avais visitées.
Je compris alors tout l’intérêt des étapes de l’itinéraire : le plaisir peut nous être apporté par tout ce qui est à notre portée. Il faut savoir s’en saisir. Il nous reste alors à assembler tous les éléments pour atteindre un plaisir harmonieux.
Déception babélienne
Quand les premiers hommes découvrirent l’existence de Dieu, celui-ci était considéré comme un personnage magnifique aux pouvoirs étendus, tellement puissant qu’il put créer la terre, tout ce qui la compose et l’entoure : les humains, les animaux, la végétation, l’eau, les nuages, les planètes, le soleil… Un tel personnage méritait d'être mieux connu !
Mais comment en apprendre davantage sur cet être si mystérieux ?
Après s'être concertés, ces premiers hommes décidèrent de l'approcher physiquement là où il se trouve : dans les hauteurs éthérées du ciel.
L'entreprise était complexe et ardue. Ils l’imaginaient très longue, nécessitant une énergie folle et un immense volume de matériaux. Mais les hommes de cette époque étaient décidés à atteindre leur objectif.
Il s'agissait donc de construire une tour. Celle-ci aurait une forme conique pour qu'une large base procure la stabilité nécessaire à l'ouvrage. Ils auraient pu démarrer la construction depuis une plaine au sol stable. Astucieusement, ils décidèrent de la construire contre le flanc d’une montagne. Celle-ci, comme un socle vertical, assurait la stabilité. Il suffisait d'y appuyer les matériaux, puis d’ériger progressivement l’ouvrage pour atteindre les hauteurs vertigineuses afin d’établir le contact physique avec Dieu.
Ainsi procédèrent-ils.
Jour et nuit, les uns extrayaient les matériaux, les autres les transportaient, les suivants les installaient les uns sur les autres, d'autres encore chassaient les bêtes pour nourrir tous les intervenants de cette entreprise.
Tous étaient heureux de travailler ensemble, en liesse, échangeant gaiement entre eux, sifflant et chantant en cadence. leur langue unique simplifiait l'exécution.
La tour prenait forme. Elle dépassait enfin la cime de la montagne…
De son poste d'observation, Dieu constatait cette agitation. Cela lui plaisait de savoir qu'il était connu et surtout admiré pour son œuvre terrestre et céleste. Il appréciait aussi le besoin des humains de mieux le connaître. En revanche, il redoutait qu’ils deviennent leur égal ou se considèrent à son niveau. Cela lui était inadmissible ! Ce monde ne peut avoir qu'un seul patron : lui-même. Capable de tout gérer, il n'a besoin d’aucun suppléant.
Soucieux de ses prérogatives, Dieu décida donc d’arrêter cette entreprise de rapprochement physique, et il chercha aussi le moyen d'éviter une récidive de ce projet.
C'est ainsi que ses pouvoirs insoupçonnés lui permirent de créer des faiblesses dans l'ouvrage. Celui-ci s'écroula, entraînant des avalanches de gravats, engloutissant les hommes sur les pentes, puis ensevelissant ceux qui agissaient au pied de l’ouvrage. Ce fut une terrible catastrophe humaine !
Par d’autres pouvoirs, il décida de doter les humains de diverses langues.
Non seulement ceux-ci étaient déconcertés par l'immense désastre compromettant leur objectif, mais les langages des uns étaient incompréhensibles par les autres.
Les hommes se regroupèrent alors par langue commune autant qu'ils purent et décidèrent d'aller investir des lieux où chaque ethnie puisse prospérer, chacune avec son idée d'un être divin.
Dieu put ainsi poursuivre sa mainmise sur son ouvrage global : en divisant les humains, il était certain de maintenir son pouvoir. Mais en les dotant d’esprits différents, il introduisit le germe des conflits…
Que va-t-il se passer ?
Penché sur le bastingage d’un éventuel changement de vie,
le regard fixé sur une destination incertaine,
dans une traversée de questionnements
sur une mer houleuse masquant les possibilités futures,
faisant tanguer de gauche et de droite,
plongeant dans la dépression des vagues
ou l’optimisme des crêtes dominantes,
j’erre sur un vaisseau cherchant son cap.
Le passé avait sa valeur.
Était-elle si nulle que cela ?
On veut me faire tourner le dos à cette histoire
comme s’il s’agissait d’une fuite salvatrice
nous éloignant d’un passé considéré sans saveur.
Mais le futur proche pourrait se transformer en tragique nostalgie.
Alors que va-t-il se passer
si nous faisons le mauvais choix ?
La beauté de la nudité
Ah la beauté de la nudité dans sa simplicité !
Pour admirer l’attractivité de la féminité et de la masculinité,
Ne soyons pas dans la cécité.
Ne cherchons pas la conformité ni l’égalité,
L’équité ou l’uniformité
Ni encore l’idéalité.
Evitons l’agressivité de la curiosité pour ne pas tomber
Dans l’imbécilité et la rapacité de la trivialité,
De la bestialité ou de la perversité.
Oublions la lubricité et l’obscénité.
Maintenons la dignité et l’intégrité du corps
Dans la gravité du respect.
Remarquons la subtilité du granité de la peau, sa plasticité.
Admirons la sensibilité des courbes.
En toute sérénité et sincérité,
Ne jouons pas l’hostilité ou l’indignité,
Ne pensons pas l’illégalité.
N’utilisons pas la moralité, ni l’austérité pour une éventuelle culpabilité.
Enfin, avec humilité, préférons l’authenticité sans publicité
Pour que la beauté de la nudité s’intègre dans la pérennité et l’éternité.
Le choix des étoiles
Nous évoluions par une nuit sombre. La navigation était normalement possible grâce aux étoiles visibles pour nous guider. Le jeune capitaine du navire, Ray Nat, depuis son jeune âge acquis à la marine, cherchait à nous conduire selon sa volonté et son apparent savoir-faire. Afin d’orienter notre regard, il éteignait à sa façon certaines étoiles, et nos repères dans la nuit s'estompaient au fur et à mesure que le temps se déroulait. Ray Nat choisissait bien sûr l’extinction des étoiles les plus significatives, celles qui nous auraient permis de ne pas accepter ses choix. Il nous avait « déboussolés » pour nous guider comme des moutons, avec des repères inappropriés.
C'est ainsi qu'après avoir décrit sa trajectoire comme la meilleure avec une apparente cohérence, la majorité d’entre nous lui avait confié la barre du navire.
Malgré la promesse d'un itinéraire à notre profit, des nuages apparurent, la houle grossit, des éclairs parsemèrent le ciel, la tempête se souleva, des ouragans sévissaient et le naufrage se profilait.
Nombre d’entre nous regrettait la naïveté qui l’avait conduit à une confiance aveugle. Le mal était là. Il fallait traverser ce chemin parsemé d'ornières profondes et d'obstacles périlleux, et qui nous éprouvait au plus profond de nous-mêmes. La star que nous avions suivie n'était pas l'étoile qui aurait dû nous guider…
Ce fut difficile. Beaucoup perdirent leur sang-froid. Nous nous battîmes pour définir les actions de sauvetage. Les uns écopaient, d’autres ramaient, d’autres encore tentaient de recoudre les voiles. Une partie des plus faibles périt. Ray Nat dût avouer son incompétence. Il fut évidemment lynché par les mêmes qui l’avaient encensé, incapables reconnaitre la faiblesse de leur choix initial.
Le navire fût sauvé et atteignit un lieu éloigné de l’objectif escompté, bien moins profitable pour les rescapés. Ceux-ci déplorèrent la perte d’une partie d’entre eux et tentèrent de rejoindre le cap initial malgré nombre de difficultés à surmonter… se repérant cette fois-ci aux étoiles adaptées.
LA PERSEVERANCE DU BAMBOU
Inspiré d'un conte oriental
J’emménageais dans une nouvelle maison entourée d’un jardin. Celui-ci était quelconque à l’inverse de celui de mon voisin qui comportait un magnifique bosquet de bambous entouré de quelques fougères. Je l’enviais. Comme je voulais rendre visite à mes nouveaux voisins pour les connaître, je commençais par celui du magnifique bosquet. Je souhaitais connaître la méthode pour parvenir au même résultat dans mon jardin. Il m’expliqua comment il put parvenir à cette situation :
Dix ans auparavant, j’avais semé quelques graines de fougère et de bambou dans la terre. Dans l’année qui suivit, les fougères poussèrent à leur guise pour devenir de belles plantes. Pendant ce temps, les graines de bambou ne faisaient rien apparaître. Mais je les arrosais régulièrement.
Trois autres années passèrent de la même façon. Les fougères se portaient à merveille mais aucune pousse verdoyante de bambou n’apparaissait. Patiemment, je poursuivais l’arrosage des lieux. Jamais je n’abandonnais.
La cinquième année, des pousses de bambou apparurent devenant des brindilles timides, puis des tiges fermes, enfin des arbustes robustes surpassant allègrement les fougères.
Et voilà, depuis cinq ans, je profite fièrement de ce spectacle.
Je lui demandais pourquoi les bambous ont-ils attendu si longtemps avant de sortir de terre ?
Il me répondit que les bambous avaient pris leur temps pour déployer de grandes racines dans le sol, ce qui leur permet de s’élever aussi haut.
Mon voisin en tira la leçon suivante :
Parfois les choses prennent du temps car elles préparent leurs socles à l’abri des regards, afin d’aller assurément bien haut par la suite. L’important est de persister et de ne pas se décourager.
LE FAT PIEGE
Inspiré d'un conte oriental
Jean-Christophe est Président Directeur Général d’une grande entreprise. Il tient à ce qu’on l’appelle « Président ». On lui doit bien cela, à lui qui a fondé cette entreprise et qui l’a portée à ce niveau à la force de son intelligence (ce sont ses mots). Plus que fier de lui, il adore les honneurs qui lui sont prodigués et apprécie fortement les articles journalistiques en sa faveur. Jamais il n’accepte être placé au second rang d’une assemblée. Il préfère alors la bouder. « Imbu de son pouvoir » serait la bonne expression à son égard.
Un jour, un ami lui parla d’un sage très discret et d’une profonde réflexion. Jean-Christophe fit en sorte de l’inviter à déjeuner. Le sage accepta sans pouvoir fixer la date : il viendra lorsqu’il le pourra.
Ce sage se présenta un jour vêtu d’une salopette d’ouvrier. Il fut refoulé dédaigneusement par le major d’homme de Jean-Christophe.
Il retenta une deuxième fois avec le même résultat.
Puis il se présenta vêtu d’un costume. Il fut invité à se rendre dans le salon où Jean-Christophe s’y reposait habituellement avant le déjeuner.
Pendant le repas, l’échange fut cordial et les mets ravirent les palais. Etrangement, le sage transférait une grande partie de son assiette dans les poches de sa veste. Jean-Christophe ne comprenait pas cette attitude curieuse et pour le moins inconvenante :
- Pourquoi remplissez-vous vos poches de nourriture ? demanda Jean-Christophe au sage, avec agacement. Si vous en manquez, je peux faire mettre ce repas dans des récipients que vous emporterez chez vous !
- C’est très aimable à vous, lui répondit le sage. Mais ne vous tracassez pas, je me nourris suffisamment à mon domicile et je m’en réjouis. Le sujet est ailleurs.
- Alors dites-moi ce qui vous arrive et j’aurai plaisir à vous aider.
- Ce n’est pas moi qu’il faut aider. C’est vous !
- Alors expliquez-moi donc.
- C’est très facile à comprendre : je me suis présenté deux fois, certes en salopette d’ouvrier, ce qui ne semble pas être la pratique de ces lieux puisque j’ai été refoulé manu militari. A la troisième fois, le costume que je porte m’a permis d’être introduit. J’en conclus qu’il est l’invité, et non pas le corps qu’il protège. Il est donc normal que ce soit lui qui se nourrisse !
- Admettez que votre tenue précédente n’était pas appropriée !
- J’ai pu le constater Mais aurait-elle changé le cours de notre conversation ?
- Probablement non, mais…
- Pourquoi mais ?
- Je le confesse, je n’ai pas l’habitude d’échanger avec le personnel portant ces habits.
- Et je vous suggère d’ajouter que vous avez un a priori sur leur capacité à ce que leurs propos retiennent votre attention.
- Je ne peux vous contredire.
- Imaginez que je conte cet échange précis à votre personnel. Quel sera son appréciation ?
- L’éloignement, l’indifférence, peut-être le dédain.
- Je vous remercie pour votre réponse….
PROMENADE DANS LA CAMPAGNE... ELECTORALE
Je me souviens de ma dernière promenade dans la campagne électorale. Elle était parsemée de champs magnétiques où on y avait semé des ondes qui labouraient nos oreilles. De nombreux champs étaient électriques et on y récoltait alors des attirances pour les uns et des répulsions pour les autres.
Notre boussole magnétique en perdait le nord.
Parfois, j’avais l’impression de traverser un champ de bataille. A tout bout de champ, j’aurais souhaité qu’on me laisse le champ libre. Avec tout ce champ des hypothèses qui ouvrait le champ des possibles en champ et contrechamp, mon esprit était devenu un véritable champ de foire.
Sur le champ, je souhaitais prendre la clé des champs en coupant à travers champ, m’éloigner de ces rats des champs tombant à ce qu’ils pensaient être un champ d’honneur après avoir perdu du champ sur ce champ de course.
Alors, je battais cette campagne aux motifs malheureusement désolés et fades, aux contours inadmissiblement excessifs, aux écrans de verdures masquant des incompétences et aux futures failles dissimulées.
Il me restait le champ de ma conscience…
TEMPÊTE TEMPETUEUSE
On dit que la tempête est une manifestation climatique.
Tu parles !
C’est de plus en plus une manifestation tout court…
Il faut dire que dame nature apprécie de moins en moins le stress que nous, les humains, lui faisons endurer.
Qu’elle se rebelle n’est donc pas étonnant.
Comment se révolte-t-elle ?
Comme tout déçu d’une absence de concertation, en manifestant.
Pour la nature, l’homme a agi sans tenir compte de Madame.
Celle-ci est donc légitime de se sentir maltraitée par les dégradations que l’humain lui a imposées et souhaite un arrêt des méthodes humiliantes pour éviter d’atteindre sa ruine.
Alors, très insatisfaite de ses conditions d’existence, elle se rebiffe et demande aux syndicats des vents et des nuages d’accentuer leurs énergies pour des facéties violentes.
La belligérance de dame nature s’installe…
Sans égard pour le matériel, le déchainement des éléments naturels bat son comble sans distinction. Tout ce qui présente une fragilité, une incapacité à combattre la violence des souffles et des eaux, pâtit de la charge qui lui est opposée.
Les toits, les façades, les voiries, les ponts … tous les bâtis sont mis à l’épreuve. Mais tous ne tiennent pas l’adversité.
Elle est même prête à sacrifier certains de ses soldats à cet effet : des arbres se déracinent (peut-être ont-ils été mal plantés par les hommes ?) pour s’abattre sur les maisons et les automobiles, et couper des voieries.
Des zones humaines entières sont privées du nécessaire.
Pire, dans sa folie rugissante, elle assène des coups mutilants aux humains, voire mortels.
Non, ce n’est pas qu’une manifestation climatique, c’est aussi un cri de désespoir que nous devons entendre.
POUR DOMINIQUE BERNARD
Arras, ce dimanche 15 octobre 2023
La foule était regroupée, très nombreuse.
Le soleil était avec nous sans distinction de bénéficiaire.
Le ciel était pur comme est pure la volonté d’enseigner la tolérance.
Quelques nuages venaient nous rappeler ces moments noirs.
Le murmure sourd du recueillement parcourait l’assistance.
Puis les sirènes hurlèrent comme hurlent les esprits ébranlés par l’atrocité,
Comme crient les proches et les collègues,
Comme tempêtent tous les affectés de cette infamie.
Tous nous étions avec Dominique Bernard,
Ce héros sur la place des Héros d’Arras.
COMPTE RENDU D'UNE VISITE SUR LA PLANETE TERRE
- Toi qui reviens de la planète terre, peux-tu nous narrer ton voyage chez cet étranger lointain ?
- Etranger et étrange !
- Oh contes nous cela !
- Mes amis, soyez heureux de la vie harmonieuse que nous menons sur notre planète. Et j’utilise autant ce qualificatif pour nos échanges entre nous qu’avec notre environnement.
- Il ne faut donc pas prendre exemple sur eux ?
- Aucunement. La planète terre est un exemple à ne pas suivre. Comme nous, la planète est constituée de parties solides de nombreuses formes et matières sur lesquelles il est possible de se déplacer, puis un liquide, à priori différent du nôtre, qui remplit les cavités du relief, alimenté par des écoulements issus des hauteurs.
Comme nous aussi, la planète terre comprend des êtres vivants capables de se déplacer sur le sol pour les uns, sans contact avec le sol pour d’autres, ou encore dans les entrailles du sol pour d’autres encore ou bien dans ce liquide répandu sur une grande partie de leur planète.
Comme nous encore, il y a des objets vivants enracinés au sol, de minuscules à très massifs. Certains sont ingurgités tels quels, ou après transformation pour une espèce particulière que je vais décrire.
Mais il y règnerait notre harmonie s’il n’y avait pas cette espèce particulière qui, semble-t-il s’est arrogée une délirante supériorité. Elle se permet, entre autres, de puiser dans le sol des matières qui puent. Pour cela, ils creusent des grands trous béants ou alors se glissent dans de profondes galeries, ou bien aspirent des liquides et des gaz. Qui plus est, cette espèce a même établi une curieuse hiérarchie en son sein aboutissant à de gigantesques écarts de modes de vie entre différents groupes, utilisant parfois des rites pour justifier d’étranges attitudes, ou des conflits meurtriers pour s’imposer.
- Peux-tu nous décrire cette étrange espèce ?
- Bien sûr. Dans les sons qu’ils émettent, j’ai souvent entendu « heume ». Ils semblent vivre dans des boites où ils y passent majoritairement la nuit et quelques heures avant et après. Certaines boites sont posées au sol, d’autres sont empilées, parfois sur de grandes hauteurs. J’en ai constaté une grande diversité de dimensions. La répartition est étrange : parfois ils sont très nombreux dans des petites boites, parfois ils sont très peu dans des grandes. Il doit y avoir une règle que je n’ai pas saisi.
Le jour, on les voit s’agglutiner dans d’autres étranges boites parfois grandes et étalées d’où émanent des gaz puants. Ils s’y activent le tiers de leur temps. On voit alors des coffrets sur roues naviguer de l’une à l’autre probablement pour échanger des choses en empruntant des rubans sombres posés au sol sans harmonie avec leur entourage.
Cette espèce se permet aussi de décimer les autres êtres vivants et de modifier le paysage des espèces enracinées, tout cela au détriment de ces derniers.
Avec notre regard, je ne comprends pas ce qui les motive à agir ainsi, à l’inverse de toutes les autres espèces qui tentent de vivre en harmonie avec leur nature quand l’espèce supérieure ne les dérange pas.
A l’observation de leur agitation, on ressent une compétition entre eux, une sorte de fuite en avant qui génère des situations de gravité croissante. Je pense que leur avenir leur est inconnu, ou ils sont volontairement aveugles. A long terme, rien d’agréable ne semble envisageable.
Restons donc sur notre planète…
SUICIDE AU PARADIS
Ah le paradis !
Un lieu de délices où règnerait un bien-être qui nous mènerait au nirvana, un pays de cocagne où le bonheur ne pourrait qu’aboutir à l’extase édénique.
Comme j’aimerais atteindre cette destination finale pleine de promesses heureuses pour un séjour enchanteur infiniment durable. Du moins, c’est le bonheur parfait auquel il nous est proposé de croire.
Admettons qu’il en soit ainsi.
Il n’y aurait alors aucune compétition ni antagonisme, même gentillet, ce qui fait parfois le sel de la vie ?
On n’y pourrait pas mesurer ses propres capacités par de saines confrontations ?
Aucun obstacle ne se présenterait de temps en temps ?
Tout serait lisse, sans anicroche ?
Nous serions tous parfait et égaux dans une constante béatitude ?
Mais quelle éternelle monotonie !
Ne risque-t-on pas le burn-out de l’interminable ennui ?
Pour le combattre, des anges psychologues sont-ils à notre disposition ?
Sinon, sans aide quelconque, les candidats au spleen paradisiaque chercheront à effectuer un retour à la vie !
Peut-être une réincarnation ?
Ou bien un suicide au paradis…
SOCRATE ET LE SOT CRASSE
Sot crasse : J’ai des idées sur tout !
Socrate : En es-tu certain ?
Sot crasse : Bien sûr ! Sinon, je n’aurais pas d’idées.
Socrate : Mais que sais-tu de tes idées ?
Sot crasse: Pardi, que ce sont les miennes.
Socrate : Mais que valent-elles ?
Sot crasse : Pourquoi se poser cette question ?
Socrate : Comment es-tu certain de leur valeur ?
Sot crasse : Parce que j’y ai réfléchi.
Socrate : Comment y as-tu réfléchi ?
Sot crasse : Pardi, avec les infos que je possède et mon cerveau.
Socrate : Possèdes-tu toutes les infos nécessaires ?
Sot crasse : Je n’en ai pas entendu d’autres.
Socrate: Mais y en a-t-il d’autres ?
Sot crasse : je n’en sais rien. Je fais avec ce que j’ai.
Socrate : Cela te satisfait-il ?
Sot crasse : Oui puisque j’arrive à une réflexion.
Socrate : Si tu avais toutes les infos, changerais-tu d’avis ?
Sot crasse : Peut-être.
Socrate : Selon les infos possédées, on peut donc avoir deux avis !
Sot crasse : Exact. Moi, j’en ai un, pourquoi aller en chercher un deuxième ?
Socrate : Parce que le premier n’est peut-être pas le bon…
Sot crasse : il suffit d’avoir un avis.
Socrate : Même inapproprié ?
Sot crasse : Que tu es compliqué !
Socrate : Utiliser des infos incomplètes, c’est construire un raisonnement sur du sable !
Sot crasse : Alors que faire ?
Socrate : Savoir que tu ne sais rien.
Sot crasse : Mais si, je sais des choses.
Socrate : Alors tu dois savoir que tu ne sais rien de suffisant pour décider.
Sot crasse : Mais alors, je ne déciderai jamais ?
Socrate : Si, en sachant le risque de te tromper.
Sot crasse : Mais qu’est-ce que cela change avec avant ?
Socrate : L’humilité, mon cher, car la certitude aveugle vient de l’ignorance.
REVOLTE
Pourquoi me révolter ?
J’ai tout ce qu’il faut, dit l’homme aisé :
Je suis correctement abrité,
J’assouvis tous mes plaisirs,
Ma panse est repue,
Je me déplace confortablement.
Pourquoi vous révolter ? Continue-t-il.
Que deviendra ma différence d’avec vous ?
Pourquoi n’être pas satisfait ?
La vie est ainsi faite !
Un corps a besoin de pieds et de jambes,
De bras et de mains,
Tous répondant à la tête
Qui voit, entend, ressent puis décide.
Dans notre corps, répondent-ils,
Nous avons un estomac affamé,
Deux poumons avides d’air sain,
Et un cœur pour nos enfants.
Alors, nous sommes révoltés.
J’EPANCHE DONC JE SUIS
Confie-toi :
J’entends ta plainte,
J’écoute ta souffrance,
Je ne juge pas ta peine,
Je reconnais ton tourment.
Prends ton temps :
Je respecte tes silences,
Je discerne ta voix intérieure,
Je saisis tes soupirs.
Laisse-toi aller :
Je perçois tes gestes,
Je ressens tes vibrations.
Ta douleur veut s’épancher dans un cœur ami :
Humblement, je peux être celui-là.
LIBRE EXPRESSION CHERIE
-
Dans votre pays, qu’en est-il de vos salaires ?
-
On ne se plaint pas !
-
Et pour votre logement ?
-
On ne se plaint pas non plus.
-
Avez–vous assez de nourriture ?
-
Là aussi, on ne se plaint pas.
-
Et l’eau, l’avez-vous bien à disposition ?
-
Oh ! on ne se plaint pas.
-
Vos enfants ont-ils le droit à l’éducation ?
-
Pour cela de même, on ne se plaint pas.
-
Mais alors, pourquoi préférez-vous notre pays ?
-
Parce que chez vous, l’expression est libre : on peut donc se plaindre…
REFLEXION ANTE MORTEM
-
Tu crois à l’au-delà ?
-
Aucune idée.
-
Tu ne t’es jamais posé la question ?
-
Si, mais de toutes les hypothèses formulables, il m’est impossible d’avoir des conclusions certaines.
-
Et tu ne veux pas en privilégier une ?
-
Eventuellement, mais cela ne me permettra pas de connaître la vérité (s’il y en a une). Et puis doit-on y croire ?
-
Y croire signifierait qu’il s’y passe quelque chose.
-
Quelque chose comme l’hypothèse la plus répandue : le paradis et l’enfer ?
-
Oui, par exemple.
-
S’il y a un paradis, il doit donc y avoir un enfer en contrepartie. Le paradis seul serait une trop grande facilité pour la période terrestre : par la certitude de fréquenter le paradis après l’instant fatal, il n’y aurait pas à se soucier de son comportement ici-bas.
-
Dans ce cas, le paradis et l’enfer sont comme deux jumeaux, indissociables l’un de l’autre. L’existence de l’un implique celle de l’autre.
-
Comme le Docteur Jekyll et Mr Hyde.
-
Cela nécessite donc un jugement !
-
Effectivement. Si l’on considère que le paradis correspond au bien, et l’enfer au mal, il faut qu’une limite soit définie entre le bien et le mal.
-
D’accord, mais qui gère l’aiguillage ? Et y a-t-il une sorte d’oral de rattrapage ?
-
Oui, le purgatoire qui permet d’expier les péchés dont on n’aurait pas assez fait pénitence avant notre trépas. Cela ne change rien à la problématique de la limite : le purgatoire n’est qu’un passage temporaire situé à cheval entre le paradis acquis d’office aux bonnes âmes et l’enfer promis sans coup férir aux mauvaises. Il faut donc définir deux autres limites : entre le paradis versus la nécessité du rattrapage, et entre ce dernier versus l’enfer irrémédiable.
-
Mon Dieu (désolé pour ce mot), cela devient compliqué ! Mais je reviens à une question antérieure : y-a-t-il réellement un règlement, un décret ou une loi qui définirait les limites ?
-
A ma connaissance, s’il y a une définition de ces limites, elles ne sont connues que du juge seul.
-
Et qui est le juge de paix au paradis ou de flammes en enfer ?
-
Probablement Dieu s’il existe, ce qui ferait exister le paradis et l’enfer.
-
Mais pourquoi ne connait-on pas ces limites ?
-
Imagine qu’on les connaisse, chacun tenterait de se positionner aux frontières. Comme sur la route : on roule à la vitesse limite, voire quelque peu au-delà, sinon nous perdrions du temps, ou du plaisir. Donc, ne connaissant pas la bordure, on prend les précautions nécessaires pour être hors d’atteinte de la répression.
-
Mais c’est de l’incertitude dans la coercition !
-
En quelque sorte
-
C’est de l’arbitraire !
-
Peut-être…
-
Et il n’y aurait pas de failles ?
-
Comment veux-tu que je le sache ? Pour cela, il faudrait réaliser une étude comparée de chaque cas, ce qui nécessiterait de connaître le devenir de chaque âme. Difficile d’y parvenir…
-
C’est trop facile ! Tu meurs, et hop, on te classe selon l’humeur du juge.
-
Oui, on est un peu à sa merci.
-
Dans les dictatures aussi.
-
Faut-il aller si loin ?
-
Je reconnais que c’est un peu exagéré. Néanmoins, il m’apparaît une incohérence : d’un côté, on t’incite au comportement correct (ce que j’accepte), de l’autre, on ne te donne aucune indication sur le franchissement entre le correct et l’incorrect. Je suis donc en droit de soupçonner la possibilité, voire la capacité du juge de décider à la tête du client.
-
Douterais-tu alors de son intégrité ?
-
Et pourquoi pas ?
-
Mais si ce juge est Dieu, il devrait donc être intègre ?
-
Même en admettant qu’il s’agisse d’un Dieu intègre, je mesure là son échec : il lui a été nécessaire d’instituer le purgatoire pour corriger les êtres humains et l’enfer pour y enfermer les irrécupérables, alors qu’il aurait mieux agi en fabriquant des femmes et des hommes dignes de vivre continuellement en harmonie entre eux et avec leur environnement !
Errare deus est…
-
Dans
PRIERE A NOS DIEUX
Sur une idée de Prévert
Eh ! Nos dieux qui êtes aux cieux, restez-y,
Et nous nous resterons sur cette terre qui est si belle.
Laissez-nous redevenir ce que la nature sait faire de mieux.
Nous ne voulons plus de ces tours de Babel financières,
Nous souhaitons que les requins ne soient plus que des poissons,
Que les narcisses ne soient plus que des fleurs.
Qu’il n’ait de bécasses que celles qui volent.
Avec vous, nous ne souhaitons plus être copains comme cochons.
Nous ne supportons plus les querelles et les guerres en vos noms.
Laissez-nous participer à l’équilibre de la nature
Comme toutes les autres espèces animales ou végétales.
Nous voulons que vous cessiez les plaies telles celles d’Egypte.
Nous réclamons que Sodome et Gomorrhe ne soient plus sacrifiés.
Inutile de nous renvoyer chacun un prophète attiseur de bellicismes.
Inutile aussi de favoriser les institutions en vos noms
Qui nous rejettent les uns sur les autres.
Eh ! les Dieux, devenez humains,
Retombez sur terre
Et vos théories déistes deviendront alors des « théo-bonheurs ».
1 = 2
Une information incroyable fait le tour du web. Il s’agit d’une démonstration mathématique.
Je ne résiste pas à vous la présenter :
« Soient deux valeurs a et b telles que a est égal à b :
a = b
Ajoutons b de chaque côté du signe « égal » :
a + b = b + b
Simplifions les termes à droite du signe « égal » :
a + b = 2b
Retranchons 2a de chaque côté du signe « égal » :
a + b – 2a = 2b – 2a
Simplifions à gauche du signe « égal » :
b – a = 2b – 2a
Soit en factorisant :
1x(b - a) = 2x(b - a)
(b – a) se retrouvant de chaque côté du signe « égal », on peut simplifier. Donc :
1 = 2
Fin de la démonstration »
Les réseaux sociaux mondiaux se sont emparés de cette information remettant toute les mathématiques en cause, autant l’algèbre que l’analyse en passant par la géométrie. Même l’illustre théorème de Pythagore a été mis à mal. Les chaines de télévision et les radios n’hésitent pas à relayer les avis des diverses communautés d’internautes. Les scientifiques crient au scandale de vouloir délibérément détruire des millénaires de réflexions structurées depuis les mathématiciens de l’antiquité jusqu’aux puissants travaux d’Einstein en passant par les grands calculateurs arabes et les savants du moyen âge. Toutes ces éminentes têtes pensantes doivent se retourner dans leur tombe par cette invraisemblable incongruité scientifique !
De leur côté, la communauté des réseaux sociaux crie au scandale d’avoir été autant bernée depuis des milliers d’années. Sur cette base, chacun recalcule ses recettes et ses dépenses : multiplication par deux pour les salaires, et division par deux chez l’épicier ! Ainsi, chacun considérant son porte-monnaie, la quantité est majorée quand il s’agit du patrimoine ou minorée pour améliorer le pouvoir d’achat. La confiance envers les scientifiques est anéantie. C’est devenu un sujet supplémentaire de méfiance envers les politiques et les journalistes qui jamais n’avaient diffusé cette information bouleversante. Une fois de plus, le peuple s’est senti floué ; et il montre sa détermination à rattraper le temps perdu. Mais comment ?
Tous les repères sont perdus. Les banques poursuivent selon les principes de 1 + 1 = 2 jusqu’alors utilisés. Mais nombre de clients les harcèlent pour modifier la valeur de leurs comptes sur la base de 1 = 2.
Chaque adepte des réseaux sociaux fait valoir que le nombre de fois où il y a rencontré cette information « 1 = 2 » est un indicateur de sa véracité. « Autant de personnes ne peuvent pas se tromper toutes ensemble ! » disent-ils.« Il y a donc bien un fond de vérité derrière cette information ! » ajoutent-ils, reprenant l’adage « il n’y a pas de fumée sans feu ».
Chacun ne sait plus à quel saint se vouer. Saint compte bancaire ? Saint réseau social ? Saint journal télévisé ? Saint ministre des finances ? Saint professeur de maths ? Saint voisin ? … Synthèse d’une incertitude.
Et que dire des indications routières ? Une limitation à 50 km/h en ville ne vaut-elle pas 100 km/h ?
Des grèves et des manifestations voient le jour. Evidemment, et plus encore dans ce contexte, le dénombrement des participants présente des distorsions énormes entre les organisateurs et la police. Une réalité de 50 000 devient 100 000 pour les uns et 25 000 pour les autres.
Alors, tous les états adhérents à l’ONU se sont accordés pour promouvoir une loi internationale validant que 2 est deux fois grand que 1 et tenter de reprendre en main une situation ubuesque sur tous les continents.
En parallèle, la communauté scientifique mondiale a mis au point une communication commune pour faire comprendre l’absurdité de 1 = 2 que voici :
Communiqué de presse :
« Par les réseaux sociaux, une information illogique circule faisant la démonstration que 1 = 2.
Nous tenons à rétablir la vérité : en effet, dans ses dernières lignes, cette démonstration indique qu’il est possible de simplifier par (b – a) qui se trouve de chaque côté du signe « égal ». Mais, étant convenu à la première ligne de la démonstration que a = b, il se trouve donc que b – a vaut zéro. Dans ce cas, la simplification par (b – a) est mathématiquement interdite !
Ceci peut se comprendre de la façon suivante :
1 x 0 = 2 x 0 = 0
Ce qui est valable pour tous les nombres, par exemple :
17 x 0 = 283 x 0 = 0
Et qui se permettrait de dire que 17 = 283 ! »
Les scientifiques ont été mis à contribution pour communiquer sur toutes les chaines de télévision, les radios, les journaux et magazines.
Et les poids des réseaux sociaux et de la croyance populaire ont terriblement freiné le retour à une situation logique !
Le poids de l’infox…
LA PLUIE ET LE BEAU TEMPS
« Je me marie demain, alors, Seigneur, faites que ce jour soit le plus ensoleillé possible ! »
Après avoir prié son Dieu pour que le plus beau jour de sa vie soit exempt de nuage et de pluie, Katie sort de l’église de son village. Elle imagine avoir agi pour le mieux. Un mariage sous la pluie n’est pas un mariage ! Dehors, à la sortie de la mairie, puis après l’église, quoi de mieux qu’un soleil presque zénithal pour capter de belles photos qui s’étaleront dans l’album de cette journée mémorable. Quoi de mieux aussi que cette chaleur se confondant avec celle des cœurs pour discourir dehors avec les invités et montrer la joie de ce couple devenu uni. Et puis il y aura le reportage photo dans la verdure du village pour immortaliser cette journée…
« Non se dit Katie, je ne pourrai pas tolérer cette journée sous une triste grisaille. Ce serait un mariage raté, probablement de mauvaise augure pour mon couple ». Pour Katie, c’est inimaginable ! L’installation précipitée dans les voitures sous la pluie, même fine, gâcherait l’événement. Bien sûr, il y aurait quand même les festivités du repas, les jeux, les discours, les danses et les plaisirs associés. Mais le bilan de la journée présenterait alors un manque notoire, une frustration indélébile.
Et pour s’assurer de la réussite climatique, Katia demandera à son père de placer des œufs dans la gouttière de l’église pour implorer Sainte Claire. En toute logique, les œufs auraient dû être offerts le 11 août précédent au couvent des Clarisses. Mais Katie n’y avait pas pensé. Et puis après tout, c’est l’intention qui compte ! Ainsi, la double sollicitation de Dieu et de la sainte appropriée devrait garantir un ciel dégagé et un soleil radieux…
Au même moment, dans la même commune, Samuel, agriculteur est inquiet pour la prochaine récolte. Les blés, les maïs et autres céréales poussent difficilement. Leur croissance accuse un retard important. Bien que Samuel sache que son métier dépend fortement des conditions météorologiques (une lapalissade), cette année est très préoccupante. Il s’interroge même sur l’opportunité de réclamer un impôt sècheresse comme en 1976 où ses parents ont été contraints de solliciter de l’aide financière et matérielle. Des militaires étaient intervenus. Comme ses confrères, il ne sait à quel saint se vouer. Alors, il s’est adressé à Dieu. Il l’a prié hier soir avant de s’endormir pour qu’une pluie arrose urgemment ses céréales. Samuel est persuadé qu’une intervention divine est possible et que la providence peut être un secours. Dans sa famille, avec la ferveur de la foi, c’est la tradition de croire aux effets des sollicitations divines. Il est convaincu qu’un Dieu bon et généreux, tel qu’on l’enseigne dans le catéchisme, ne peut pas le laisser tomber. La qualité de sa récolte est un enjeu autant pour son exploitation que pour la subsistance des humains ! Dieu serait en contradiction avec sa bonté si son absence d’intervention créait une disette. Quoique certaines parties du globe sont affamées… « Mais ce n’est quand même pas envisageable en Europe ! » se disait-il.
Samuel est rasséréné. Il a fait son devoir. Il réitèrera sa prière ce soir, puis les suivants jusqu’à ce qu’il soit exaucé. Il y croit.
Alors, Dieu, toi qui vois tout et entends tout, combler l’un revient à décevoir l’autre. Que décideras-tu ? Laisseras-tu la nature poursuivre son œuvre aléatoire ? As-tu une véritable capacité d’intervention ?
En ce qui me concerne, j’ai ma réponse et j’imagine celles de Katie et Samuel : l’un, satisfait, confirmera sa croyance ; l’autre, insatisfait pensera qu’une prochaine requête lui sera peut-être favorable.
Il suffit d’y croire…
LE LION SE MEURT
Il était le roi,
Le maître de la meute,
Le père et le repère des siens,
Le vainqueur des combats,
Le guide pour la survie,
Le décideur.
Renommé dans la savane,
Il inspirait la crainte.
Maintenant affaibli,
Les plus forts de la meute
Se battent pour le remplacer ;
Les plus faibles assistent aux joutes,
Et se soumettront.
Désormais, il n’est plus rien,
Remplacé,
Oublié.
Il sent sa fin approcher.
Il se couche à jamais,
Et il attend le dernier souffle.
Personne ne vient plus le voir,
Ni le consulter.
Son passé glorieux devient future poussière.
Le roc a perdu son piédestal.
Le vieux meneur agonise.
Le lion se meurt.
Le maître n’est plus.
INTOLERABLE INTOLERANCE
Les urbains et les ruraux s’opposent,
Les religions agitent chacune leurs préceptes,
Les riches et les pauvres se détestent,
Les végétariens et les viandards s’affrontent,
Le Nord et le Sud s’ignorent.
Les secteurs privé et public ne se comprennent pas,
Les patrons et les salariés se vilipendent,
Les bios et les non-bio se conspuent,
Les actifs et les chômeurs se confrontent,
Les autochtones et les étrangers se haïssent,
Les Intellectuels et les manuels se dédaignent,
Les salariés et le libéral se honnissent,
Les automobilistes et les cyclistes s’invectivent,
Les propriétaires et les locataires sont chacun des profiteurs,
Les jeunes et les ainés sont sur deux planètes.
…..
Quel avenir pour cette société
Où chacun
Refuse d’entendre l’idée opposée,
Se soustrait à la richesse de l’autre,
S’interdit l’échange constructif,
Repousse la fraternité,
Installe des barrières ?
….
Ce sont :
Des oppositions insensées,
Des postures d’ânon,
Des attitudes de mépris,
Des contenances inciviles,
Des démarches d’aveugles,
Des maintiens égoïstes,
Des rivalités imbéciles,
Des soifs de vengeances,
Un nivellement par le bas.
…….
Une intolérable et nauséeuse intolérance !
Stop !
Les frontons des mairies affichent la fraternité,
Les religions prônent l’amour du prochain.
Osons croire à ces valeurs d’unité,
Et aux dividendes de l’harmonie.
Capitalisons sur le patrimoine de nos différences,
Et sur la richesse de la tolérance.
CARBONE OXYGENE AZOTE
Connaissez-vous ce mélange ?
Il est vaporeux.
On le rencontre parfois dans l’air,
Autour de nous, même lors de conversations.
Cet assemblage est incongru.
Je vous conseille de l’éviter.
Nous pourrions l’espérer hilarant
Et nous aurions plaisir à nous en divertir.
Malheureusement, il est fâcheusement
Désappointant, décourageant,
Voire énervant,
Ou encore déprimant et démoralisant.
Rarement est-il déstressant,
Et rassurant, par comparaison.
Rien d’étonnant,
Puisqu’en langage chimique,
Carbone, oxygène azote s’écrit CON.
VEGETARIEN
-
Tu es végétarien ?
-
Oui depuis quelques années.
-
Et pourquoi ?
-
Manger de la viande me répugne.
-
Qu’est-ce qui te dégoûte ?
-
Le fait de manger un animal mort.
-
Mais c’est le cas depuis des millénaires ! Les animaux carnivores consomment aussi de la chair…
-
Mais tu te rends compte, il faut sacrifier des animaux pour en manger. C’est atroce !
-
Alors c’est atroce depuis très longtemps. Les animaux sont donc atroces ?
-
C’est leur seule chance de survie. Nous, nous avons les plantes.
-
C’était atroce. Depuis, nous avons modifié nos méthodes d’abattage pour leur éviter de souffrir.
-
D’accord, ils souffrent moins, mais il n’en reste pas moins qu’ils sont doués de sensibilité et cela me gêne d’enlever la vie à des êtres reconnus sensibles uniquement pour me nourrir.
-
Nos grands-parents, respectables, ne pensaient pas à cet aspect dans leur consommation de viande. Leurs petits-enfants auraient donc évolué à ce point ?
-
Bien sûr, et c’est une bonne chose de faire évoluer notre comportement alimentaire après avoir compris la détresse d’un être vivant devant la mort qu’il n’a pas réclamée.
-
A moins d’être suicidaire, je ne réclame pas la mort non plus.
-
Alors, tu vois bien, si tu ne le souhaites pas pour toi et ton prochain, pourquoi le proposer à d’autres êtres vivants pour ton simple plaisir ?
-
Effectivement, mais as-tu imaginé les hurlements silencieux d’une carotte extraite de sa terre ? Ou les gémissements d’une pomme croquée après l’avoir détachée de sa branche nourricière ?
-
Mais ce ne sont que des fruits et des légumes !
-
Exact. Néanmoins, un végétal nait, vit et meurt. C’est donc un être vivant.
-
Oui, mais il n’a pas de sensibilité !
-
En es-tu sûr ? On sait maintenant que les plantes communiquent entre elles. Par exemple, elles s’avertissent d’un danger.
-
C’est une sensibilité très mineure au regard de celle des animaux.
-
Alors, où places-tu le seuil de sensibilité ?
-
Entre la plante et l’animal.
-
Comme nos grands-parents la plaçait entre l’animal et l’homme.
-
….
-
J’imagine que l’appréciation de ce seuil pour les végétaux évoluera comme elle a évolué depuis nos grands-parents pour l’animal. Ainsi, pour la même raison, nos petits-enfants refuseront d’arracher une carotte, de prélever une salade, de détacher des tomates de leurs pieds, d’extraire des pommes de terre de leur environnement terreux…
-
…
-
Alors, sans animal ni végétal, comment vont-ils se nourrir ?
LES HOMMES ET LES ENFANTS D’ABORD
Le bateau prenait du gite, dangereusement
Nous décidâmes de l’abandonner. Lorsque les chaloupes touchèrent l’eau, une voix féminine hurla « les hommes et les enfants d’abord ! ». Puis elle fut relayée par d’autres voix féminines, comme lors d’une manifestation. Nous étions sidérés, nous les hommes, éberlués par cette proposition insolite.
-
Mais non, nous partons tous !
-
Pas question ! Vous embarquez dans les canots avec les enfants.
-
Mais qu’allez-vous faire sans nous ?
-
Redresser le bateau et le ramener au port.
-
Mais comment allez-vous faire ?
-
Ça, c’est notre problème.
-
Mais vous n’aurez pas la force ?
-
Comme vous, nous avons un cerveau et nous allons nous en servir. Vous et les enfants évacués, il sera plus léger pour agir dessus.
-
Et si vous échouez ?
-
Il nous restera les canots inoccupés.
-
Mais vous vous rendez compte de la honte qui rejaillira sur nous ?
-
La même que nos congénères féminines ressentaient quand elles vous laissaient à bord. Allez ouste, plus vite vous serez partis, plus vite nous réfléchirons à la manœuvre.
-
Pas possible, on reste.
-
Deviendriez-vous lâches de votre lâcheté ? Les enfants doivent être sauvés et vous allez vous en occuper derechef !
-
C’est inimaginable…
-
Si parce que nous sommes au 21e siècle. Au fait, avez-vous un conseil à nous donner pour redresser le bateau ?
-
Pas vraiment. Mais c’est une folie.
-
Alors tu vois, vous n’avez rien à faire sur ce rafiot. Dans les canots, vous servirez à ramer pour ramener les enfants vers la terre ferme.
…….
-
Bon les filles, les hommes sont partis ; maintenant on a dix minutes pour réfléchir puis agir malgré l’absence de leur force musculaire….
REVOLTE ET ESPOIR
Ce jour commémoratif,
Mes pas franchissant l’orée d’un cimetière militaire,
Je fus de nouveau happé
Par la nausée de la guerre
Et le frisson de ses dégâts.
Notre cher Victor Hugo aurait écrit :
Oh combien de soldats, combien de capitaines
Partis pour des courses sanglantes…
Quelles continuelles abominations
Que ces dirigeants dictateurs
Engageant leur peuple au combat
Pour la conquête personnelle d’un territoire,
Pour l’assouvissement personnel de pouvoir,
Pour l’espérance d’une gloire personnelle
Rarement atteinte !
Quelle horreur que ces charniers
D’être humains alignés sous terre
Pour des raisons aussi futiles !
Quelle horreur que ces familles endeuillées,
Ces corps mutilés, ces âmes défaites !
Quelle horreur que ces cités détruites,
Ces champs et prairies souillées
Parfois devenues inexploitables !
Quand cesseront ces bains de sang
De civils et de militaires ?
Quand déciderons-nous de rayer définitivement
Le mot « guerre » des dictionnaires,
D’enrayer les canons plutôt que les strier ?
Et enfin, saurons-nous garder à tout jamais
La mémoire de ces immenses massacres
Du premier et second conflit mondial ?
A la lumière des séparatismes actuels,
Ai-je raison de craindre
La capacité d’oubli de ces funestes périodes ?
Alors, soyons tous les transmetteurs
Des causes et des effets
Que nos défunts ascendants ont vécu
Pour que nos suivants aient l’opportunité
De ne jamais les reproduire.
Arras, le 11 novembre 2021
Le G3
Autour, tout est désertique.
Aucune âme qui vive,
Aucun journaliste,
Aucun aéroport,
Aucun protocole,
Et pourtant, un G3 aura lieu.
Trois personnages hautement importants pour nombre de terriens,
Trois figures charismatiques,
Trois concepts de pensée,
Trois visions apparentes de l’humanité,
Trois dieux :
Par ordre alphabétique :
Allah, Bouddha et Yahvé
Que vont-ils se dire ?
Aucune écoute, aucun enregistrement.
Ces dieux seuls le sauront.
A eux seuls, ils concentrent la grande majorité des adeptes terriens.
Et ils connaissent les autres dieux vénérés ici et là.
Mais la parole commune de ces trois références est primordiale.
Quelle est leur appréciation de la réalité de nos vies ?
Ont-ils conscience des échecs humanitaires ?
Entendent-ils les intolérances croissantes ?
Sentent-ils la poudre à canon tant répandue ?
Voient-ils toutes ces hordes en fuite ?
Mesurent-ils les risques à venir ?
Que vont-ils transmettre ?
Gageons que leur message sera unitaire,
Dans l’intérêt de tous,
Pour le présent et pour le futur.
Et espérons que leur esprit soit entendu de tous.
Et surtout suivi par tous !
GENESE 2
La matinée du premier jour, Dieu créa le soleil. Après la méridienne, il installa sept planètes qu’il fit tourner autour de l’astre. Tel un enfant, il les fit tourner comme des toupies. En fin de journée, il disposa de nombreuses galaxies pour compléter ce nouvel univers. Bien fatigué d’avoir fabriqué cette mécanique céleste, il se reposa.
Le deuxième jour, Dieu choisit la planète Terre pour y démarrer une vie. A cet effet, il la recouvrit d’une atmosphère propice à la respiration. Puis il malaxa la sphère pour créer des creux et des protubérances à sa surface. Enfin, il en exsudat de l’eau. Il avait ainsi créé les continents avec des plaines, des vaux et des montagnes, puis les rivières, les mers et les océans. Il fit en sorte que l’eau puisse s’évaporer pour s’agglomérer en nuages. Puis, d’un souffle, il créa les vents qui propulsèrent ces nuages sur les continents. Enfin, il se reposa.
Le troisième jour, Dieu décida d’installer la végétation et la fit profiter des substances du sol, il la désaltéra avec l’eau des nuages et lui demanda de respirer l’atmosphère. Il exigea de certains arbres de produire des fruits, de certaines herbes de fournir des céréales, et d’autres encore de générer de substantielles racines. Quand il contempla son travail, il trouva les paysages magnifiques et harmonieux, les océans fougueux et puissants. Puis il se reposa.
Le quatrième jour, Dieu considéra que cette Terre devait être animée par des êtres mouvants, sur le sol, dans ses entrailles, dans les mers et dans les airs. C’est ainsi qu’il eut l’idée des animaux. Alors, il créa les mammifères, les invertébrés, les poissons et les volatiles, mais aussi les bactéries et les virus. Chacun se mouvaient en liberté. Ils se nourrissaient de la végétation ou se dévoraient entre eux. Ce dernier constat fit réfléchir Dieu qui s’effraya du risque de disparition de certaines espèces. Pour l’éviter, il devait donc imaginer un subterfuge. La nuit portant conseil, il reporta sa décision au lendemain. Puis il se reposa.
Le cinquième jour, la révélation lui apparut. Il convoqua tous les animaux et leur exigea d’être sélectifs : chacun ne devait manger qu’une catégorie d’aliments. C’est ainsi qu’il définit, entre autres, les herbivores, les carnivores, les charognards, tout en maintenant quelques omnivores. Tous avaient besoin d’eau. Dieu soit loué, il l’avait rendue disponible en abondance. Puis, en les rendant mortels, il leur demanda de copuler entre eux pour assurer la survie de leurs espèces respectives. L’équilibre sur Terre était alors installé et Dieu espérait qu’ainsi la planète n’aurait pas à en souffrir. Puis il se reposa.
Le sixième jour, Dieu créa la femme en lui donnant la fonction de reproduction. Il la nomma Ada et lui suggéra de rechercher une pierre pour sa couche. Ada se mit en quête et en choisit une qui lui plaisait. Elle l’essaya et la trouva confortable. Elle s’y lova et la pierre se modela progressivement à son corps. Une tête, un tronc, des bras puis des jambes apparurent, qui s’agitèrent puis l’enlacèrent tendrement. Dieu dit à Ada qu’elle était dans les bras d’Eton, et qu’il les déclarait femme et mari. Il leur demanda de respecter leur environnement. Satisfait du début des humains, il laissa la nuit s’installer pour la sixième fois. Puis il se reposa.
Le septième jour, épuisé de toute cette semaine de labeur, Dieu suspendit son activité et contempla son œuvre, heureux de cette réussite si prometteuse.
Ada et Eton vivaient dans l’Eden et s’y sentaient en harmonie avec leur environnement. Il s’y promenaient, mangeaient des fruits, rencontraient des animaux. Toutes les créatures se respectaient entre elles. Mais, de l’Eden, Dieu avait pris soin d’éloigner les animaux dangereux. Ainsi, les félins et les reptiles agissaient en d’autres contrées : la Terre est tellement immense !
Puis, Ada et Eton pensèrent à leur descendance. Alors, Teto, Lira et Nino naquirent successivement (garçon, fille, garçon). Il jouaient dans l’Eden et respectaient leurs parents. Ils sont restés de grands amis jusqu’à leur mort. Devenus grands, chacun choisit une belle pierre qu’ils trouvèrent confortable, laquelle se transforma également en leur futur conjoint. Il en fut ainsi jusqu’à la septième génération. Ada et Eton avaient alors plus de trois mille descendants. De ce fait, à partir de la huitième génération, Dieu décida qu’ils devaient se reproduire entre eux tant qu’ils n’étaient ni cousins ni petits cousins. Il en serait ainsi jusqu’à l’éventuelle nuit des temps.
Lorsque l’Eden fut trop petit pour cette descendance, Dieu suggéra à certains d’entre eux de s’exiler vers d’autres contrées. Dans sa bonté, il fit en sorte que ceux-ci soient préparés à affronter des milieux plus hostiles que l’Eden et à devenir carnivores. C’est ainsi qu’ils se vêtirent et qu’ils eurent l’idée de construire des lieux fermés pour se protéger, puis de développer des instruments de chasse pour assurer leur subsistance. Peu nombreux, ils n’avaient aucun impact sur l’équilibre de la nature et ne risquaient pas de dérégler l’horloge de Dieu si bien huilée. Ils parlaient une langue commune, et leur éloignement progressif de leurs contrées d’origine ne générait aucune difficulté de compréhension. Toute la Terre était vouée à n’utiliser qu’une seule langue.
Toujours satisfait de son œuvre, Dieu n’eut pas recours à un lessivage comme le déluge ni à une correction humaine comme la Tour de Babel. L’harmonie régnait sur la Terre, les seuls crimes consistant à tuer des animaux pour la survie et l’habillement.
Alors, conscient de sa parfaite réussite, Dieu se dit que l’apocalypse de sa précédente création fut un mal pour un bien : il avait appris de ses erreurs antérieures.
Il fut alors convaincu qu’il était enfin devenu un bon horloger !